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L’initiation des enfants dans les gangs, une forme de travail très en vogue en Haïti ces dernières années

Dans les ruelles poussiéreuses de la capitale haïtienne, où les tirs d’armes automatiques résonnent comme une sinistre bande-son, une réalité brutale s’impose : les enfants, parfois âgés d’à peine 8 ans, deviennent les proies d’un système de gangs qui prospère dans le chaos. L’initiation des mineurs dans ces groupes armés, loin d’être un phénomène nouveau, s’est intensifiée de manière alarmante ces dernières années, alimentée par la pauvreté extrême, l’instabilité politique et l’effondrement des institutions. Selon un récent rapport de l’UNICEF, le recrutement d’enfants par les gangs a bondi de 70 % en un an, les mineurs représentant désormais entre 30 et 50 % des membres des groupes armés à Port-au-Prince.

Une pratique ancrée dans l’histoire
L’utilisation des enfants par les gangs en Haïti n’est pas un phénomène récent. Dès les années 1950, sous la dictature des Duvalier, des groupes armés informels, souvent liés à la classe politique, ont exploité la vulnérabilité des jeunes dans les quartiers pauvres pour asseoir leur pouvoir. Ces « chimères », comme on les appelle parfois en créole, étaient recrutés pour intimider, espionner ou perpétrer des actes de violence au service des élites.

Depuis l’assassinat du président Jovenel Moïse en juillet 2021, l’absence d’un leadership étatique efficace a créé un vide de pouvoir, permettant aux gangs de gagner en autonomie et en influence. Aujourd’hui, la coalition de « viv ansanm » dirigé par le puissant chef de gang Jimmy Chérisier(barbecue), contrôlant 80 à 85 % de Port-au-Prince, a transformé la capitale en un champ de bataille où les enfants sont à la fois victimes et acteurs.

La faim et le désespoir comme moteurs
Dans un pays où la majorité de la population vit avec moins de 4 dollars par jour, les gangs exploitent la misère pour recruter. Les enfants, souvent orphelins ou issus de familles déchirées, sont attirés par des promesses de nourriture, d’argent ou de protection.

« Les gangs offrent des repas ou de petites sommes d’argent pour que les enfants servent d’espions ou transportent des armes », explique Gaby Breton, responsable de Save The Children Haïti.

Cette vulnérabilité socio-économique est aggravée par l’effondrement du système éducatif. Plus de 700 000 personnes, dont de nombreux enfants, ont été déplacées de la capitale ces dernières années, fuyant la violence. Les écoles, souvent transformées en refuges pour les familles déplacées, ne peuvent plus fonctionner, privant les enfants de leur unique source d’éducation et, souvent, de leur seul repas quotidien. « Sans école, les enfants deviennent une proie facile pour les gangs », déplore Harold Barreau de la Brigade de Protection des Mineurs (BPM).

Une violence omniprésente
Les enfants recrutés ne sont pas seulement des exécutants. Ils sont exposés à des violences extrêmes, tant de la part des gangs que des groupes d’autodéfense ou des autorités. Selon Amnesty International, les mineurs sont souvent contraints à des tâches dangereuses comme faire le guet, transporter des armes ou participer à des pillages. Les filles, en particulier, sont victimes de viols collectifs et d’exploitation sexuelle. Un rapport récent relate le cas de deux sœurs adolescentes, enlevées en rentrant de l’école et violées par plusieurs membres d’un gang. L’une d’elles confie : « Je ne suis qu’une enfant, pourquoi cela m’est-il arrivé ? »

Les enfants qui tentent de fuir les gangs ou refusent de se joindre à eux risquent des représailles brutales, y compris la mort. Dans les zones non contrôlées par les gangs, ils sont parfois soupçonnés d’être des espions et deviennent la cible de milices d’autodéfense. « Ces enfants sont pris au piège d’un cercle vicieux », alerte Catherine Russell, directrice générale de l’UNICEF.

Une lueur d’espoir dans la tourmente
Malgré ce tableau sombre, des initiatives locales et internationales tentent de briser ce cycle. Des organisations comme Save The Children et le Komite Pwoteksyon Timoun Site Letènèl (KPTSL) offrent des espaces sécurisés, un soutien psychologique et des programmes de réinsertion pour les enfants sortis des gangs. Cependant, ces efforts restent insuffisants face à l’ampleur de la crise. L’UNICEF rapporte que le plan de réponse humanitaire pour Haïti n’est financé qu’à hauteur de 25 %, limitant les capacités d’intervention.

Amnesty International appelle le gouvernement haïtien et la communauté internationale à élaborer un plan global de protection de l’enfance, incluant la démobilisation des mineurs, l’accès à l’éducation et la lutte contre l’impunité. « Les enfants d’Haïti ne peuvent plus attendre des promesses creuses », insiste Agnès Callamard, secrétaire générale d’Amnesty.

Un avenir incertain
Alors que la mission multinationale d’appui à la sécurité, menée par le Kenya et soutenue par l’ONU, tente de rétablir l’ordre, les gangs continuent d’étendre leur emprise, profitant d’un flux incontrôlé d’armes à Neklépce et d’un État défaillant. Pour les enfants d’Haïti, chaque jour passé dans cet enfer est une enfance volée. Sans une action concertée et massive, l’initiation des mineurs dans les gangs, cette forme de travail forcé aussi ancienne que tragique, risque de devenir une cicatrice indélébile sur l’avenir du pays.

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