Le pape Léon XIV s’est récemment décrit comme « augustinien ». Mais que recouvre ce terme, et en quoi cette théologie diffère-t-elle des courants dominants du catholicisme ? Décryptage.
Membre de l’Ordre de Saint-Augustin, auquel appartenait également Martin Luther, Léon XIV s’inscrit dans une tradition théologique inspirée des écrits de saint Augustin d’Hippone (354-430), l’un des plus grands penseurs chrétiens après saint Paul. L’augustinisme, né de ses réflexions, se distingue du thomisme, courant dominant associé à saint Thomas d’Aquin, qui prévaut dans l’imaginaire catholique contemporain.
Thomisme et augustinisme : deux approches complémentaires
Le thomisme, structuré et logique, s’appuie sur la raison philosophique et la méthode aristotélicienne pour éclairer la foi. Il vise la clarté et l’ordre, construisant des systèmes théologiques à partir de principes premiers. L’augustinisme, en revanche, adopte une approche plus intérieure et spirituelle. Moins systématique, il privilégie l’expérience vécue de la foi, centrée sur la grâce divine et le mystère de la rédemption.
Saint Augustin, évêque, philosophe et converti, a profondément marqué l’Église occidentale. Sa célèbre prière, « Tu nous as créés pour toi, ô Seigneur, et nos cœurs sont sans repos jusqu’à ce qu’ils reposent en toi », résume l’élan de sa pensée. L’augustinisme met en lumière trois axes majeurs :
– La rencontre avec Dieu : Tout part de l’âme qui découvre la présence divine en elle.
– La condition humaine : Il reconnaît la fragilité de l’homme marqué par le péché originel.
– La grâce divine : Elle est le moteur qui guide l’humanité vers la lumière.
Contrairement au thomisme, qui recherche la certitude à travers des catégories claires, l’augustinisme embrasse le drame de la condition humaine et la tension vers la rédemption. Là où Thomas d’Aquin organise la vérité, Augustin la contemple, ancrant sa réflexion dans l’Écriture, la prière et la tradition des Pères de l’Église.
Une théologie vivante
L’augustinisme n’est pas un système figé, mais une tradition dynamique. Les théologiens augustiniens ne rejettent pas la raison, mais la subordonnent à la foi : « Crois pour comprendre » (fides quaerens intellectum). Leur approche s’appuie sur l’intériorité, explorant le cheminement de l’âme vers Dieu, par opposition à l’accent thomiste sur l’ordre extérieur et la loi naturelle.
Cette vision, centrée sur la grâce, la miséricorde et l’amour divin, éclaire la spiritualité de Léon XIV. Elle reflète une Église attentive à la lutte intérieure de l’homme et à sa quête de sens, tout en restant fidèle à la révélation divine.
Une invitation à découvrir
Nul besoin d’être membre de l’Ordre de Saint-Augustin pour embrasser cette théologie. De nombreux théologiens, prêtres, pasteurs et laïcs s’inspirent de l’augustinisme sans appartenir à la communauté. Pour s’initier à cette pensée, la *Lettre aux Romains* est un point de départ éclairant. C’est en la lisant, dans un jardin, qu’Augustin, alors non croyant, trouva sa vocation, devenant l’un des plus grands saints de l’Église.
En revendiquant son ancrage augustinien, Léon XIV invite à redécouvrir une théologie qui parle au cœur, où la grâce transforme et guide les âmes en quête de vérité. Une perspective qui, loin de s’opposer au thomisme, enrichit le patrimoine spirituel de l’Église.