Dans une démarche visant à renforcer la lutte contre les réseaux criminels en Haïti, le parquet de Port-au-Prince a annoncé, ce mardi, le gel des comptes bancaires de six personnalités haïtiennes visées par les sanctions des Nations Unies, ainsi que ceux de l’ancien député Prophane Victor. Cette décision, confirmée par le commissaire du gouvernement, Me Frantz Monclair, marque une étape significative dans l’application des résolutions internationales visant à enrayer l’insécurité et les activités illicites dans le pays.
Lors d’une conférence de presse tenue le Mardi 10 Juin 2025 au Tribunal de Première Instance de la capitale, Me Monclair a rappelé l’engagement d’Haïti, membre fondateur de l’ONU, à respecter les dispositions de la résolution 2653 du Conseil de sécurité. Cette résolution cible des individus accusés de financer le terrorisme, de se livrer au blanchiment d’argent et de soutenir les gangs armés qui déstabilisent le pays. Parmi les personnalités visées figure notamment Jimmy Cherizier, alias « Barbecue », chef de gang notoire, dont les avoirs auraient été gelés dès octobre 2022, sous réserve qu’il détenait des comptes dans le système bancaire haïtien.
Prophane Victor, ancien député de Petite-Rivière dans le département de l’Artibonite, est également au cœur de cette mesure. Sanctionné par les États-Unis et le Canada en 2023 et 2024 pour son implication présumée dans le soutien et l’armement de gangs, Victor a été arrêté en janvier 2025 par la Direction Centrale de la Police Judiciaire (DCPJ) dans le cadre d’une enquête sur ses liens avec le gang Gran Grif, responsable de graves violations des droits humains, y compris des violences sexuelles dans l’Artibonite. Selon un rapport des experts de l’ONU, Victor aurait armé des jeunes de sa circonscription dès 2016 pour sécuriser son élection, contribuant à la formation de ce gang influent.
« Les institutions financières haïtiennes ont immédiatement appliqué le gel des avoirs, conformément aux directives internationales », a déclaré Me Monclair, précisant que ces mesures, bien qu’en vigueur depuis plusieurs mois, sont désormais rendues publiques pour accentuer la pression sur les individus ciblés. Cette annonce intervient dans un contexte où Haïti intensifie ses efforts pour démanteler les réseaux de financement des gangs, responsables de l’escalade de la violence dans le pays. Selon l’ONU, plus de 4 500 personnes ont été tuées et 700 000 déplacées en Haïti en 2024 en raison des activités des gangs, qui contrôlent près de 85 % de Port-au-Prince.
L’officialisation de ces gels d’avoirs prend une dimension politique notable, alors que le parquet promet des poursuites judiciaires imminentes contre les six individus sanctionnés et leurs complices présumés. Si aucune accusation formelle n’a encore été déposée contre Prophane Victor, son arrestation et les sanctions internationales qui pèsent sur lui laissent présager un durcissement des actions contre les figures influentes liées aux gangs.
Cette initiative du parquet s’inscrit dans un effort plus large de la communauté internationale pour stabiliser Haïti. Les sanctions de l’ONU, soutenues par des mesures américaines et canadiennes, ainsi que l’appui de forces multinationales, comme les 400 officiers kenyans déployés à Port-au-Prince, visent à freiner l’influence des gangs et à restaurer la sécurité. Cependant, comme l’a souligné le président dominicain Luis Abinader lors de l’Assemblée générale de l’ONU, les conditions pour des élections prévues en 2026 restent précaires, soulignant l’urgence d’une action concertée.
Alors que la population haïtienne continue de subir les conséquences d’une violence endémique, l’annonce du parquet pourrait signaler un tournant dans la lutte contre l’impunité. Les prochains jours seront cruciaux pour évaluer si ces mesures se traduiront par des avancées concrètes dans la stabilisation du pays.
