Dans une décision qui secoue la communauté haïtienne aux États-Unis, l’administration du président Donald Trump a annoncé, ce vendredi 27 juin 2025, la fin du statut de protection temporaire (TPS) pour environ 520 000 Haïtiens vivant légalement sur le sol américain. Cette mesure, confirmée par le Département de la Sécurité intérieure (DHS) sous la direction de la secrétaire Kristi Noem, met un terme aux protections contre la déportation dont bénéficiaient ces immigrants depuis le tremblement de terre dévastateur de 2010 en Haïti. La décision, qui prendra effet le 3 août 2025, expose des centaines de milliers de personnes à un risque imminent de déportation vers un pays en proie à une crise humanitaire et sécuritaire sans précédent.
Une décision attendue mais controversée
La suppression du TPS pour les Haïtiens s’inscrit dans la lignée des promesses électorales de Donald Trump, qui avait clairement exprimé, lors de sa campagne de 2024, son intention de démanteler les protections migratoires mises en place par l’administration Biden. Sur le terrain, Trump et son colistier JD Vance avaient suscité une vive polémique en propageant de fausses rumeurs sur les Haïtiens de Springfield, Ohio, les accusant notamment de consommer des animaux domestiques. Ces déclarations, largement démenties, ont alimenté un climat de stigmatisation à l’encontre de la communauté haïtienne.
Le TPS, instauré pour Haïti après le séisme de 2010, permettait aux ressortissants haïtiens de vivre et de travailler légalement aux États-Unis, en raison des conditions dangereuses dans leur pays d’origine. Cependant, l’administration Trump soutient que la situation en Haïti s’est suffisamment améliorée pour permettre le retour des migrants. Cette affirmation, relayée par un porte-parole du DHS, est vivement contestée par les défenseurs des droits des migrants, qui soulignent que la capitale haïtienne, Port-au-Prince, est contrôlée à 85 % par des gangs armés, tandis que près de la moitié de la population fait face à une insécurité alimentaire aiguë.
Réactions et implications
La décision a suscité une vague d’indignation parmi les organisations de défense des droits des immigrants. Guerline Jozef, directrice exécutive de l’organisation Haitian Bridge Alliance, a qualifié la mesure de « dévastatrice », soulignant que les bénéficiaires du TPS ont construit leur vie aux États-Unis, souvent depuis plus d’une décennie. « Ces personnes ont fait confiance au gouvernement américain, ont passé des contrôles rigoureux et contribuent à nos communautés. Aujourd’hui, on leur arrache brutalement leurs moyens de subsistance », a-t-elle déclaré.
Gerald Michaud, un bénéficiaire du TPS vivant à Brooklyn, illustre l’impact humain de cette décision. Employé comme agent de sécurité à l’aéroport de LaGuardia et enseignant d’arts martiaux, Michaud craint de perdre son emploi et d’être déporté vers un pays où il n’a plus de racines. « Tout ce que j’ai construit ici est en danger. La situation en Haïti est catastrophique », a-t-il témoigné.
La communauté haïtienne d’Orlando, en Floride, est également sous le choc. Avec l’expiration imminente du TPS et l’instauration d’un récent décret interdisant l’entrée de ressortissants haïtiens aux États-Unis, l’incertitude plane sur l’avenir de nombreuses familles. Certains craignent des séparations familiales, notamment pour les enfants nés aux États-Unis, qui sont citoyens américains.
Contexte juridique et politique
Cette décision s’inscrit dans une série de mesures anti-immigration prises par l’administration Trump depuis son retour au pouvoir. Récemment, des protections similaires ont été supprimées pour environ 350 000 Vénézuéliens et 9 000 Afghans, tandis que la Cour suprême a autorisé, le 19 mai 2025, la révocation du statut temporaire pour plus de 500 000 immigrants originaires de Cuba, Haïti, Nicaragua et du Venezuela.
Cependant, la bataille juridique n’est pas terminée. Une action en justice, intentée par neuf bénéficiaires du TPS haïtiens et le syndicat 32BJ SEIU, est en cours devant un tribunal fédéral de New York. Les plaignants soutiennent que la décision de l’administration Trump viole la loi sur le TPS et l’Administrative Procedure Act, et serait motivée par une animosité raciale. Un juge fédéral doit rendre une décision dans les prochains jours, ce qui pourrait influencer l’avenir des Haïtiens concernés.
Un programme d’incitation à la sortie
Dans une tentative de faciliter les départs, le DHS encourage les Haïtiens sous TPS à utiliser l’application CBP One pour organiser un retour volontaire, offrant un billet d’avion gratuit et une prime de départ de 1 000 dollars. Cette mesure, bien que présentée comme une solution humanitaire, est perçue par beaucoup comme une incitation à quitter un pays où ils ont construit leur vie.
Une crise humanitaire en toile de fond
La fin du TPS intervient dans un contexte où Haïti traverse une crise humanitaire majeure. Les gangs contrôlent une grande partie de la capitale, les hôpitaux sont fermés, et la population fait face à des pénuries alimentaires et à des déplacements forcés. Les Nations unies ont averti que le pays risque un « effondrement total » sans un soutien international immédiat. La désignation récente de deux gangs haïtiens comme « organisations terroristes » par l’administration Trump complique davantage l’acheminement de l’aide humanitaire.
Perspectives incertaines
Alors que la date du 3 août approche, l’avenir des Haïtiens aux États-Unis reste incertain. La décision de mettre fin au TPS, combinée à l’interdiction de voyager imposée début juin, renforce le sentiment d’abandon au sein de la diaspora haïtienne. Les défenseurs des droits des migrants appellent à une mobilisation accrue pour faire pression sur le Congrès et les tribunaux afin de protéger ces communautés vulnérables.
Pour l’heure, les Haïtiens aux États-Unis se préparent à une période de bouleversements, tandis que les organisations communautaires redoublent d’efforts pour offrir un soutien juridique et émotionnel. Cette décision, qui touche des centaines de milliers de vies, marque un tournant dans la politique migratoire de l’administration Trump, dont les répercussions se feront sentir bien au-delà des frontières américaines.