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Burkina Faso : Le capitaine Ibrahim Traoré interdit la pornographie: une mesure controversée pour « préserver les valeurs nationales

Le 7 avril 2025, le gouvernement militaire du Burkina Faso, dirigé par le capitaine Ibrahim Traoré, a annoncé une interdiction stricte des contenus à caractère pornographique, marquant une nouvelle étape dans sa politique de contrôle des médias et des réseaux sociaux. Cette décision, qui s’inscrit dans un contexte de lutte contre les influences jugées « nuisibles » par le régime, suscite des débats animés dans le pays et au-delà.

Une mesure pour « protéger la société »
Selon un communiqué officiel publié le 7 avril 2025, le gouvernement burkinabè a appelé la population à s’abstenir de « liker, commenter ou partager » tout contenu jugé indécent, sous peine de sanctions pénales. Les autorités ont invoqué la nécessité de préserver « les valeurs culturelles et morales » du Burkina Faso, confronté à des défis sécuritaires et sociaux majeurs, notamment les violences jihadistes qui touchent environ 40 % du territoire national.

Cette interdiction s’accompagne de la mise en place d’une plateforme dédiée au sein de la brigade contre la cybercriminalité, permettant aux citoyens de signaler des contenus inappropriés. Les infractions, telles que la diffusion ou la promotion de contenus pornographiques, sont passibles de peines d’emprisonnement allant de un à cinq ans, conformément au code pénal burkinabè.

Un contexte de contrôle renforcé
Depuis l’arrivée au pouvoir d’Ibrahim Traoré par un coup d’État en septembre 2022, le régime militaire a multiplié les mesures visant à encadrer l’espace médiatique et numérique. En mars 2025, l’Association des journalistes du Burkina (AJB) a été dissoute après avoir dénoncé la mainmise du gouvernement sur les médias publics. Trois journalistes critiques du pouvoir ont par ailleurs été arrêtés et enrôlés de force dans l’armée, illustrant une répression croissante des voix dissidentes.

L’interdiction des contenus pour adultes s’inscrit dans une série de réformes sociétales impulsées par Traoré, qui incluent également l’interdiction de l’homosexualité et de la consommation d’alcool dans certains contextes, selon des publications relayées sur les réseaux sociaux. Ces mesures sont souvent présentées comme une volonté de « purifier » la société et de renforcer l’identité nationale face à ce que le régime qualifie d’« impérialisme occidental ».

Réactions contrastées
La décision a suscité des réactions mitigées. Sur les réseaux sociaux, certains Burkinabè saluent cette initiative, la percevant comme une protection des valeurs traditionnelles dans un pays majoritairement conservateur. « C’est une bonne chose pour nos jeunes. Les contenus indécents sur Internet sont une menace pour notre culture », a déclaré Aïssata Ouédraogo, une commerçante d’Ouagadougou.

Cependant, d’autres voix s’élèvent pour critiquer ce qu’elles considèrent comme une atteinte à la liberté d’expression. « Cette interdiction est vague et ouvre la porte à des abus. Qui décide ce qui est ‘indécent’ ? Cela risque de renforcer la censure », s’inquiète Kader Sawadogo, un activiste des droits numériques basé à Bobo-Dioulasso. Des organisations internationales, telles que Human Rights Watch, ont également exprimé leurs préoccupations face à la dérive autoritaire du régime.

Un défi d’application
L’application de cette interdiction pose des questions pratiques dans un pays où l’accès à Internet, bien que limité (environ 23 % de la population parle français et a accès aux réseaux sociaux), est en croissance. La surveillance des contenus en ligne nécessitera des ressources importantes, alors que le Burkina Faso fait face à des priorités urgentes, comme la lutte contre les groupes jihadistes liés à Al-Qaïda et à l’État islamique, responsables d’attaques meurtrières récentes.

En outre, des analystes soulignent que cette mesure pourrait détourner l’attention des problèmes structurels, tels que les massacres ethniques présumés contre la communauté peule, documentés par Human Rights Watch en mars 2025, ou les difficultés économiques exacerbées par l’insécurité.

Une stratégie politique ?
Pour certains observateurs, cette interdiction s’inscrit dans une stratégie plus large de consolidation du pouvoir de Traoré, qui se présente comme un leader panafricaniste luttant contre l’influence étrangère. En s’appuyant sur des mesures populistes, comme l’interdiction de contenus pour adultes ou la nationalisation des mines, le régime cherche à galvaniser ses partisans, notamment après une tentative présumée de coup d’État en avril 2025.

Alors que le Burkina Faso poursuit sa « révolution progressiste populaire », selon les mots de Traoré, l’interdiction des contenus pour adultes reflète les tensions entre conservatisme culturel, contrôle autoritaire et défis sécuritaires. Reste à savoir si cette mesure renforcera l’unité nationale, comme le souhaite le régime, ou si elle alimentera davantage les critiques contre un gouvernement accusé de museler les libertés fondamentales.

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